« Nous devons organiser le spectacle dans nos magasins »

Bruno Bokanowski
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« Nous devons organiser le spectacle dans nos magasins »

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Jean-Michel Grunberg, président-directeur général du groupe Ludendo, nous dévoile la stratégie mise en place pour transformer l’enseigne, au niveau des magasins comme de la vente en ligne, de l’offre produits, du positionnement prix…

Commençons par la saison en cours : les magasins sont-ils suffisamment approvisionnés pour couvrir la demande ?

Oui, la marchandise rentre à flots et nous espérons maintenant qu’il n’y aura pas de perturbation dans le domaine des transports. En outre, ces dernières années, de multiples raisons comme le Black Friday qui perturbe le rythme de la consommation en créant une attente de promotions, le sentiment de baisse du pouvoir d’achat et la profusion de l’offre qui fait que les consommateurs sont sûrs de trouver le produit jusqu’à la dernière minute, ont généré une tendance aux achats de plus en plus tardifs et ont renforcé l’importance du mois de décembre – et même de ses dix derniers jours – dans l’activité de la filière. C’est la raison pour laquelle nous avons programmé notre capacité à bien servir nos clients durant cette période-clé. Au final, nous visons un mois de décembre en hausse par rapport à l’année dernière, ce qui devrait nous permettre de réaliser nos objectifs.

Les difficultés rencontrées par les enseignes spécialisées ces dernières années vont-elles vous amener à modifier en profondeur le concept de vos magasins physiques ?

A la suite de notre restructuration, nous sommes aujourd’hui concentrés sur les magasins les plus rentables du groupe, sur le seul territoire français et aussi, ne l’oublions pas, sur une offre de jeux et jouets uniquement. Nous croyons profondément à l’avenir de notre métier à condition, bien évidemment, de revoir sa façon de l’acheter et de le vendre. La Grande Récré s’est désormais libérée de certaines contraintes et peut plus facilement exercer son métier de commerçant. En termes d’offre, cela veut dire que nous devons faire des choix pour nos clients. Nous ne voulons pas être un distributeur qui vend tout ce que les fournisseurs proposent, mais effectuer une sélection qui nous engage vis-à-vis de nos clients, l’expliquer et la valoriser en magasin. Dans cette optique, nous devons organiser le spectacle dans nos points de vente du 1er janvier au 31 décembre. Qu’il s’agisse de jouets vedettes comme de seconds rôles, nous devons faire en sorte que tout le monde ait droit à la lumière. L’objectif étant que la rencontre entre le produit et le client adulte soit la plus efficace possible en termes de facilité et de rassurance.

Cette sélection plus fine devrait donc passer par une réduction de l’assortiment en magasin ?

Absolument. Quand je me rends dans un magasin, je regarde toujours avec l’œil d’un client. Et quand je vois cette offre pléthorique et inflationniste, je ne m’y retrouve pas. C’est très compliqué de choisir un jouet pour un enfant dans la configuration actuelle de nos magasins. Ce système peut encore fonctionner pour un temps, mais ne représente pas l’avenir. En tout cas, pas celui vers lequel nous nous dirigeons. Etre commerçant, c’est faire des choix pour ses clients, mais c’est aussi faire des choix de clientèle. Car personne ne peut dire qu’il va offrir à la fois le plus grand choix, les plus bas prix et le meilleur service. Nous irons donc chercher les clients qui adhéreront à notre système.

Concrètement, nous allons bien réduire notre offre pour les raisons que je viens de citer, auxquelles s’ajoutent des questions économiques comme le portage du stock et le BFR, mais aussi parce qu’il faut faire de la place en magasin pour donner plus de confort aux clients et laisser plus d’espace aux outils de mise en avant des jouets. En moyenne, sur des magasins de 900 m2, nous proposons entre 6.000 et 8.000 références. Nous n’avons pas fixé d’objectifs ni de limites de baisse, parce qu’aucun magasin ne ressemble à un autre, mais, en moyenne, cette réduction devrait se situer aux alentours de 35 %. Après, cela ne se fera pas d’une manière générale, mais au cas par cas. Ainsi, dans certaines gammes, il faudra prendre un produit et le survaloriser, dans d’autres, il faudra miser sur les 20/80, dans quelques-unes, il faudra être exhaustif… Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question de taille de magasin, mais aussi d’adaptation à la clientèle.

Cette stratégie aUra-t-elle une influence sur la politique concernant vos marques de distributeur ?

Ce sont moins des marques de distributeurs que des marques exclusives pour lesquelles nous visons un positionnement plutôt premium. Nous n’avons donc pas vocation à traiter nous-même les produits d’entrée de gamme que font très bien certains fournisseurs. En revanche, nous allons continuer à développer nos marques exclusives en faisant davantage appel à des partenaires locaux, c’est-à-dire des fournisseurs français et européens capables de nous apporter de l’innovation et de la différenciation au travers de marques qui correspondent à nos engagements vis-à-vis de nos clients, à nos valeurs et à la personnalité de l’enseigne. Nous sommes, par exemple, très portés sur les sujets sociétaux comme la relation parent-enfant ou le développement durable sur lequel nous voulons sensibiliser les enfants. Ce n’est peut-être pas forcément ce qu’il y a de plus intéressant en termes de chiffre d’affaires, mais çà l’est incontestablement en termes d’image. De toute façon, nos marques exclusives doivent être différentes des marques de nos fournisseurs, et donc participer à la diversité de l’offre. Dans un monde où tout converge vers des moyennes calculées par des algorithmes, nous voulons être différents dans nos choix et la façon de les valoriser.

Avez-vous la volonté d’accroître le parc de magasins à court et moyen termes, par la franchise ou l’intégration, ou priorisez-vous la refonte des points de vente existants ?

On ne peut pas tout faire en même temps. Quand on veut faire évoluer son modèle dans un contexte de plus en plus complexe, il faut tendre à simplifier le plus possible les choses et se donner des priorités. Nous allons continuer à développer notre parc, y compris en intégré car nous cherchons aujourd’hui à maîtriser l’ensemble de notre projet, ce qui passe par la propriété des murs. Nous voulons notamment ouvrir des magasins emblématiques dans des grands centres urbains, mais aussi d’autres formats allant de 500 à 2.000 m2. Ces magasins devront désormais proposer, en plus de la vente de jeux et jouets, un espace de loisir dédié aux enfants où ils pourront trouver, par exemple, des jeux d’arcade, des ateliers de découverte thématiques, etc. C’est la raison pour laquelle nous devons optimiser l’espace réservé aux jeux et jouets pour faire de la place à ces nouvelles activités de loisirs qui devraient occuper environ un tiers de l’espace de nos points de vente. L’objectif, c’est d’associer la vente au divertissement dans le parcours du client au sein de nos magasins. C’est un tout nouveau concept qui, une fois définitivement arrêté, sera intégré dans les chartes destinées aux nouveaux adhérents. En attendant, nous irons accompagner les franchisés existants dans cette démarche.

Revenons à vos projets de développement de grands magasins emblématiques…

La Grande Récré veut être une marque, et même une grande marque de commerce. C’est pourquoi nous devons être capables de promouvoir la totalité de notre concept et de notre savoir-faire dans certains magasins qui se devront d’être à la fois remarquables et attractifs pour nos clients. Cela passe donc par l’ouverture de grands formats de 2.500 à 3.000 m2 dans des hyper-centres-villes, comme à Paris et dans quelques-unes des plus grandes métropoles françaises, où nous pourrions exprimer toute la valeur de notre enseigne et de ses activités.

Parallèlement, allez-vous poursuivre la politique d’implantation de corners dans des réseaux de distribution et de loisirs ?

Nous sommes aujourd’hui présents, via cette formule de corners, dans les stations-services autoroutières Total et dans les Club Med, et actuellement en pourparlers avec d’autres enseignes de commerce et de loisirs pour y développer ce concept. Ces enseignes cherchent ce type de solutions parce qu’elles ont bien compris que le jouet constitue, pour elles, un service et un outil d’attraction de la clientèle familiale. Nous sommes donc en mesure de leur apporter des solutions clés en main sur des formats spécifiquement adaptés à leur type de clientèle et à leurs contraintes en termes d’emplacement, de taille et de saisonnalité. La seule condition, c’est que les deux enseignes, La Grande Récré et son partenaire, y trouvent leur compte non seulement au niveau économique, mais aussi en termes d’image de marque et de cohérence.

A quelle date votre nouveau concept de magasins sera-t-il effectif ?

Il sera présenté à la rentrée scolaire 2019. Auparavant, nous aurons fait évoluer toutes les structures de notre offre produits et mis en place de nouvelles méthodes, notamment en matière d’accélération de rotation des stocks. Aujourd’hui, la problématique de la largeur de l’offre est aussi pénalisante pour les spécialistes, qui ont du stock toute l’année, que pour les fabricants qui doivent produire et gérer de faibles quantités par produit, ce qui coûte très cher et diminue la rentabilité. Nous devons donc être capables de nous focaliser sur un nombre plus réduit de références pour réaliser de plus gros scores de vente, y compris sur des magasins plus petits proposant une offre rationnalisée. Nous avons le savoir-faire pour cela, alors cessons de nous disperser.

Les études consommateurs ont montré que vous souffriez d’un problème d’image en termes de prix et de digital. Que proposez-vous sur ces deux sujets ?

Nous avons déjà sensiblement baissé nos prix tout en conservant notre point d’équilibre. Nous n’avons pas l’ambition d’être les moins chers, mais de vendre au prix le plus légitime. Nous avons donc travaillé sur ce sujet et nous n’entendons plus aujourd’hui de remarques négatives sur nos prix. C’est un élément rassurant, notamment pour nos collaborateurs.

Concernant le digital, nous avons d’abord amélioré et renforcé les services existants, comme la e-réservation gratuite ou le click & collect ; puis, nous nous sommes concentrés sur la digitalisation de l’offre, c’est-à-dire la capacité à commander in situ un produit qui ne se trouverait pas en magasin. Il s’agit d’un bel outil de vente pour nos équipes qui nous permet, également, de résoudre le problème des gros produits à faible rotation, difficilement répartissables entre les magasins, que nous pouvons donc désormais gérer à partir d’un stock centralisé et livrer aux clients, chez eux ou dans le point de vente de leur choix.

Et le digital ne s’arrête pas là puisque nous sommes en train de développer une offre de jeux numériques par abonnement, notamment dans le domaine de l’éducatif, que nous souhaitons lancer dès la fin de l’année 2020 ; mais aussi des offres d’abonnement différenciées voire individualisées sur le jouet pour nos clients fidélisés, à partir des données du CRM.

En conclusion ?

Ce qui est important, c’est de faire comprendre à nos clients quel est notre ADN, pourquoi nous avons choisi un positionnement premium – en termes de qualité et non pas de prix –, quelles sont nos valeurs et ce que nous pouvons apporter à l’enfant. Nous allons aussi communiquer sur des faits que nous taisions auparavant, comme par exemple que nous nous interdisions de vendre des jeux et jouets ultra-violents, immoraux ou capables de conditionner des comportements que nous jugeons inacceptables.

Les spécialistes doivent affirmer leur rôle car nous sommes persuadés qu’il existe un fort potentiel de développement sur le jouet à condition que nous fassions évoluer la façon de le vendre. Nous allons profiter de notre restructuration pour engager ce vaste chantier de transformation qui concerne l’ensemble de la filière, fournisseurs et distributeurs.

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