Les affaires reprennent !

Bruno Bokanowski

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Les affaires reprennent !

Les Tribunaux de commerce de Paris et d’Evry ont misé sur l’expérience : après avoir opté pour le plan de continuation de Jean-Michel Grunberg à La Grande Récré, c’est au tour de Jellej Jouets(*), associé à Picwic, de se voir offrir la reprise de Toys « R » Us France.

C’est un nouveau paysage qui se dessine aujourd’hui dans la distribution spécialisée des jeux et jouets en France, qui perdra près de 80 points de vente cette année sous enseignes La Grande Récré, Toys « R » Us et Picwic, notamment.
La bonne nouvelle ? Malgré ses difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles, le jouet continue à séduire les investisseurs, industriels et financiers, comme en témoignent les offres de reprise reçues par les Tribunaux de commerce pour La Grande Récré et Toys « R » Us. Par ailleurs, même si l’on peut déplorer qu’il eut fallu en être arrivé là, ces deux affaires concomitantes touchant les deux leaders de la filière ont permis d’accélérer sensiblement le mouvement dans la transformation de magasins inaptes à proposer une expérience client devenue incontournable face au développement de la vente en ligne. Avec des finances assainies, un parc de magasins essentiellement profitables, une vraie stratégie multicanal et une volonté plus qu’engagée de révolutionner les concepts des points de vente physiques, la distribution spécialisée semble ainsi mieux armée pour faire face à un contexte concurrentiel qui a profondément et durablement bouleversé les modes de consommation.

Responsable, ambitieux et solide

Lundi dernier, c’était donc au tour du Tribunal d’Evry de statuer sur la reprise de Toys « R » Us, pour lequel trois candidats étaient en lice : la Financière immobilière bordelaise, récente acquéreuse de l’enseigne La Grande Récré, Pierre Mestre, le fondateur et président du groupe Orchestra, soutenu par un fonds américain, et la société Jellej jouets, dirigée par Tony Lesaffre et spécialement créée pour l’occasion par le fonds Cyrus Capital, l’un des créanciers de la maison-mère américaine de Toys « R » Us, associée à l'enseigne Picwic. Cette dernière a remporté la mise en s’engageant à conserver 44 des 53 magasins Toys « R » Us en France et 1.036 emplois sur 1.171 (au moins durant deux ans), et à maintenir le siège et le centre logistique de l’ex-enseigne américaine à Saint Fargeau-Ponthierry. Objectif, la création du leader français des magasins de jouets et de loisirs pour les familles (la nouvelle entité ainsi constituée pèse un peu moins de 10 % de part de marché), en réinventant un modèle de distribution spécialisée au moyen d’un plan de financement solide : 120 M€ pour la totalité de la reprise, dont une ligne de crédit de plus de 70 M€ en plus du prix de cession afin de sécuriser les stocks pour la période de Noël (50 M€) et d’assurer la rénovation des magasins, la modernisation des systèmes informatiques et l’investissement dans le digital (20 M€). « Nous avons toujours été convaincus qu’il existait une place pour un acteur comme Toys « R » Us en France, a expliqué Tony Lesaffre, président de Jellej Jouets. La décision du tribunal de commerce d’Evry a mis fin à une longue période d’incertitudes pour ses salariés. Notre projet est responsable du point de vue social, ambitieux du point de vue industriel et très solide financièrement. Avec les équipes de Toys « R » Us France, nous allons désormais pouvoir engager la transformation et le redressement du réseau. »
Une mission pour laquelle Picwic aura un rôle-clé à jouer, dans la continuation du nouveau modèle économique que la direction et les équipes de l’enseigne ont mis en place au cours de ces deux dernières années, aboutissant, notamment, à la récente présentation d’un tout nouveau concept de magasin. « Cette histoire, c’est d’abord la rencontre d’entrepreneurs familiaux ayant une vision commune du marché du jouet, précise Nathalie Peron-Lecorps, directrice générale de Picwic : Tony Lesaffre, président de Jellej Jouets, Stephen Freidheim, fondateur de Cyrus Capital et Romain Mulliez, président de Picwic estiment, en effet, qu’il y a une place en France pour un vrai spécialiste, à l’inverse du marché américain qui se partage, pour schématiser, entre Walmart et Amazon. Jellej Jouets, qui apporte tout le plan de financement nécessaire à la relance de l’activité et à la transformation du réseau, nous a associés à cette offre de reprise au vu du modèle industriel que nous avons engagé depuis deux ans sur l’enseigne, conscient que le marché du jouet vit une profonde mutation liée à l’évolution des comportements d’achat et des modes de consommation – qui touche d’ailleurs de nombreux autres secteurs d’activités –, et à la baisse de la natalité. »

Donner du sens à l’achat

Partant du constat que la distribution était en crise, mais pas la consommation qui reste portée par des tendances très fortes, il était donc nécessaire de repenser un nouveau modèle économique qui corresponde aux attentes des clients d’aujourd’hui, et qui soit vraiment positionné de manière complémentaire aux circuits de vente en ligne. C’est la raison pour laquelle Picwic a fait appel à des sociologues pour comprendre quelles étaient actuellement les attentes des enfants et de leurs familles, et quelle était la place du jouet dans la relation entre les enfants et les parents. Les propres équipes de l’enseigne ont donc mené quelque 300 entretiens en face à face avec leurs clients, puis ont analysé plus de 60.000 retours clients dans l’optique d’identifier les tendances émergentes. « Ce qui est apparu, c’est que la principale préoccupation des parents d’aujourd’hui est l’épanouissement de leur enfant et la prise de confiance en lui face à un avenir que l’on ne connaît pas, explique Nathalie Peron-Lecorps. Or, il faut savoir que le fait de jouer est au cœur de l’épanouissement des enfants dont c’est la principale activité. C’est en jouant qu’ils explorent leur environnement, qu’ils expérimentent, qu’ils apprennent et donc qu’ils grandissent. »
D’où l’idée qu’il y avait une place à prendre sur le marché en devenant le spécialiste de l’épanouissement de l’enfant à travers l’offre produits et l’architecture des points de vente de l’enseigne, ces derniers devant être des lieux capables d’accueillir toute la famille, des lieux rassurants et sans contrainte, permettant de jouer librement et spontanément. L’étape suivante fut donc la mise en œuvre de cette transformation en jouant sur plusieurs leviers :

  • Primo, la redéfinition de l’offre en fonction des besoins des clients. L’offre est désormais simplifiée, clarifiée et recentrée sur les essentiels, dans le but de faciliter le parcours d’achat des clients. Cela a permis de gagner de la place en magasin et de libérer ainsi des espaces, de revoir le merchandising pour le repenser à hauteur d’enfant en fonction des tranches d’âges, et de mettre en place des espaces de jeux conçus comme une chambre d’enfant dans laquelle il peut interagir comme s’il s’agissait de la sienne. Parallèlement, Picwic a aussi optimisé le parcours des adultes qui accompagnent les enfants au travers d’espaces où ils peuvent s’asseoir, observer leurs têtes blondes et jouer avec elles pour favoriser des moments de partage qui tendent à disparaître du quotidien des familles.
  • Secundo, la création d’occasions de venir et de revenir dans les magasins toute l’année, via une palette d’activités et de services gratuits ou payants pour inciter les consommateurs à se rendre plus fréquemment dans les points de vente en sachant qu’il s’y passe toujours quelque chose. Cela passe, notamment, par la mise en place de « rituels » comme les Trocs de cartes Pokémon organisés dans chaque magasin les premiers ou derniers samedis du mois ; par les goûters d’anniversaire en magasin (14.000 enfants accueillis cette année) mais aussi chez les clients pour répondre à cette demande ; par des ateliers de loisirs créatifs ou sur le codage qui vient d’entrer dans les programmes de l’Education nationale ; et par la recherche de nouveaux publics comme les assistantes maternelles, les écoles, les éducateurs et, d’une manière générale, tous les professionnels de l’enfance. L’enseigne accueille ainsi les assistantes maternelles et les enfants qu’elles gardent tous les matins de la semaine, et leur propose des ateliers.
  • Tertio, des journées festives tout au long de l’année pour donner du sens à l’offre, comme cela a été fait début septembre sur l’univers d’Harry Potter : atelier pour fabriquer sa baguette de sorcier, atelier de découverte du monde et des personnages de la saga, un atelier d’entrainement au Quidditch…

« Nos magasins doivent devenir des lieux de vie, des lieux où l’on vient passer du temps, où l’on vient jouer au sein d’espaces dédiés, résume Nathalie Peron-Lecorps. C’est un projet qui remet l’enfant et l’acte de jouer au cœur de notre activité. »

Une vision commune du changement

Cette refonte du concept des magasins s’accompagne d’un investissement important sur le digital qui s’inscrit ainsi comme le bras armé du magasin. C’est aussi une façon, pour les équipes de vente, d’élargir leur rayonnement sur leur zone de chalandise. Picwic a déjà lancé le click & collect en une heure qui marche très bien, renforcé par le déploiement de casiers de retrait en magasin qui facilitent la vie des clients comme des vendeurs désormais tous équipés, depuis le début de l’année, d’un smartphone qui leur permet à la fois de gérer toutes leurs tâches et d’interagir avec les clients pour chercher de l’information sur un produit, commander un produit qui ne serait pas dans le magasin, ou encore communiquer en direct avec les clients sur la page Facebook du point de vente. « Enfin, le dernier volet du projet est bien évidemment humain, puisque toute cette transformation a été construite en lien étroit avec les équipes, souligne Nathalie Peron-Lecorps. Nous croyons beaucoup à l’intelligence collective et à la nécessité de responsabiliser nos collaborateurs, car cela permet notamment d’avancer plus vite. Nous allons donc prolonger notre histoire en nous rapprochant de Toys « R » Us avec lequel nous allons partager nos talents et nos expertises, nos richesses et nos passions. Le travail entrepris par les équipes de Toys « R » Us sur leur nouveau concept d’aménagement de magasin va dans le même sens que le nôtre. Nous sommes partis dans la même direction, ce qui prouve que nous partageons la vision de la nouvelle manière d’exercer notre métier. C’est un bon début, mais il faut aller plus loin. »
A court terme, toutes les équipes sont prioritairement concentrées sur la saison dont la réussite sera déterminante pour engager la transition vers le nouveau modèle opérationnel. Dans cette optique, la fin d’année de Toys « R » Us sera pilotée par une équipe extérieure jusqu’au rapprochement entre les deux entités, après la présentation du dossier auprès de l’Autorité de la concurrence. Puis, cette étape passée, beaucoup de choses seront mises en place dès 2019 pour harmoniser les deux entités amenées à ne former qu’un seul et même réseau pour rester cohérent vis-à-vis des consommateurs. Il est encore trop tôt pour savoir sous quelle enseigne, puisque des discussions sont toujours en cours avec les détenteurs de la marque Toys « R » Us aux Etats-Unis. Mais, une fois fixés, les dirigeants du groupe devront déterminer quelle marque fait le plus de sens en termes d’image et au niveau économique.
L’avenir ? « L’objectif est bien évidemment de développer notre activité, déclare Nathalie Peron-Lecorps. Mais la première étape consiste à transformer le modèle économique du spécialiste sur le marché des jeux et jouets. » Ensuite ? « Un réseau de 64 magasins, c’est déjà un beau réseau qui permet de bien couvrir le territoire, poursuit-elle. Il y a donc d’abord beaucoup à faire sur le parc existant. Le marché du jouet est porté par des tendances de fond. Nous allons créer le leader du marché des jeux et jouets en France sur un grand format de magasin, pour pouvoir exprimer de manière différente une offre de produits et de services, et pratiquer autrement notre métier. Dans cette optique, nous comptons sur l’accompagnement et le soutien de tous nos fournisseurs pour nous permettre d’opérer et de réussir cette transformation. »
(*) Jellej Jouets est une société par actions simplifiées créée en vue de la reprise de Toys « R » Us France, détenue à 90 % par Cyrus Capital Partners et à 10 % par la famille Lesaffre.

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