A quelques exceptions près, voilà tous les enfants en âge scolaire « en retraite » à la maison ou chez les grands-parents. Une génération d’enfants et d’ados rois, privés de la liberté d’aller et venir, mais faisant, pour la plupart d’entre eux, l’objet d’attentions inédites. Les voici désormais plongés, depuis quelques semaines, dans la plus grande expérience immersive jamais vécue : la vie en famille avec du temps… Ou le temps de la vie en famille.
Comme le rapporte Maé, 8 ans ½, « Avant, on n’avait pas beaucoup de temps avec papa et maman, mais plein d’espace ; maintenant, on a plein de temps, mais pas de place ! »(*). Réflexions sur la (nouvelle) place donnée aux passe-temps en famille en période de contrainte.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le sujet, dont notamment la découverte ou la redécouverte des vertus des activités ludiques partagées en famille « pour passer le temps », à la plus grande joie des éditeurs de jeux de société et des fabricants de loisirs créatifs(**). Mais, à bien y regarder, ce n’est pas forcément l’occasion qui fait le larron, puisque le train s’était déjà mis en marche depuis plusieurs années ; le confinement ne faisant que mettre en lumière des marqueurs déjà révélés pour ce qui concerne ces deux activités familiales rassembleuses.
Les écrans, tant décriés dans des discours de façade en temps normal, sont soudainement presque encensés ! Que ce soient les jeux vidéo, la télévision (avec foison de rediffusions patrimoniales… « pour faire passer le temps »), avec ou sans accès à Netflix ou à Disney+, ou bien encore le smartphone et la tablette : les règles d’utilisation pour les enfants se sont assouplies en toute bonne conscience car ce sont des fenêtres qui restent ouvertes sur le monde et des vecteurs – bien utiles ! – de liens sociaux entre les familles et l’extérieur. On a le droit à plus… « Car ce sont aussi de bons outils pour passer le temps ».
Des leçons à tirer
Toutefois, ce surplus de « e-life » largement justifié par les circonstances n’est-il finalement pas que la traduction de ce qui est en train de se tramer depuis plusieurs années ? Passons à un autre test grandeur nature, mais totalement nouveau cette fois : l’école à distance. Un apprentissage pour tous, enfants, parents, enseignants… Et gouvernants ! Une expérience immersive initiée au pied levé avec des bonnes volontés de toutes parts qui laissera des traces. Mais lesquelles ?
Des difficultés rencontrées par les parents devant s’improviser professeurs, manquant de patience, de savoir-faire et/ou de pédagogie, ou simplement dépassés par les événements et découvrant qu’instruire les enfants, « c’est un vrai métier » et que « ça demande du temps » ? De la disponibilité et de l’engagement (ou de la résistance) des enseignants ayant, eux aussi, besoin d’apprendre de nouvelles techniques de transmission du savoir à distance qui ne s’improvisent pas ? De la pertinence de l’offre pédagogique proposée sur la plateforme Lumni ? Des élèves sortis grandis d’une expérience pédagogique exigeant plus d’autonomie de leur part ? De manière plus large, une nouvelle mise en exergue des inégalités sociales face à l’enseignement ? Ou bien l’engouement de certains enfants à pouvoir passer encore plus de temps online et à apprendre à leur rythme avec la cohorte d’avantages, d’excès et de nouvelles lacunes à compenser ?
Le retour d’expérience nous le dira. Mais il y a fort à parier que c’est un des domaines dans lequel les uns comme les autres auront le plus appris.
(*) Source étude Families@home – Junior City, avril 2020 : occupations et préoccupations de 30 familles durant la période de confinement\lockdown.
(**) Source : panel Distributeurs.