A l’occasion de la convention qui a clôturé la 15e édition du salon d’enseigne Jouérama, Philippe Gueydon, président-directeur général du groupe King Jouet, nous donne sa vision du marché et annonce les pistes de développement à venir.
Commençons par un état des lieux de l'enseigne…
Nous sommes dans la continuité des travaux engagés ces dernières années, en restant animés par une perpétuelle volonté de remise en cause. En effet, si nous disposons d'une bonne visibilité sur le court terme, avec des perspectives favorables à la clé, nous devons toujours nous poser des questions sur le moyen et le long terme pour nous assurer que notre modèle est toujours adapté au contexte économique et aux attentes des consommateurs vis-à-vis d'une enseigne de jeux et jouets. Notre situation s'est stabilisée, mais il nous faut rester en alerte : nous avons encore beaucoup de travail à effectuer pour pérenniser l'entreprise et nos équipes s'y emploient quotidiennement. Aujourd'hui, quel que soit leur secteur d'activité, toutes les enseignes sont fragiles et exposées au risque de disparaître, comme l'actualité nous le rappelle très souvent.
Pensez-vous que la distribution des jeux et jouets peine encore à trouver son vrai modèle économique à succès ?
Ce n'est pas propre au jouet, tous les métiers sont en cause actuellement. Et je préfère être dans le jouet que dans le textile ! Le commerce est dans une phase de complet renouveau. L'enjeu, c'est bien sûr de trouver le bon modèle puisqu'il y aura toujours des magasins physiques dans le panorama de la distribution, notamment dans notre filière où le contact avec le produit reste très important. Toutefois, et ce n'est pas nouveau, nous intervenons au sein d'un environnement concurrentiel qui ne faiblit pas alors même que la consommation se crispe. Les hypermarchés restent dans leur logique de produit d'appel, certains spécialistes continuent à ouvrir des magasins alors que le parc est arrivé à saturation, et la vente sur Internet a pris des parts de marché à l'ensemble des circuits.
Quoi qu'il en soit, sans être la première enseigne du marché, sans détenir le choix le plus large et sans être toujours le moins cher, King Jouet réalise un chiffre d'affaires et une rentabilité corrects qui nous permettent d'envisager l'avenir sereinement.
La connaissance et la maîtrise des attentes et des comportements des consommateurs sont-elles au cœur de la réussite du projet ?
Toutes les études montrent clairement que le consommateur est devenu très infidèle. En effet, à consommation égale, celle-ci se répartit désormais dans un plus grand nombre d'enseignes. A partir de ce constat, nous devons apporter des réponses en actionnant différents leviers, et ce avec l'appui des fournisseurs puisque nous estimons qu'ils ont tout intérêt à favoriser les spécialistes pour assurer la pérennité de tous. Car s'il ne reste, à termes, que des acteurs généralistes de la distribution, ceux-ci n'auront certainement pas la volonté de porter les marques tout au long de l'année et n'en feront donc la promotion qu'au moment de Noël. Les fournisseurs joueraient alors leur année à quitte ou double sur la seule saison, ce qui serait extrêmement risqué pour la plupart d'entre eux. Aujourd'hui, il n'y a que les spécialistes pour exposer les marques et les produits douze mois sur douze, et leur offrir un environnement valorisant.
Quels leviers stratégiques allez-vous actionner pour garantir votre pérennité et donner ainsi envie aux fournisseurs de s'engager à vos côtés ?
Nous allons continuer à développer les trois aspects-clés que sont la digitalisation, la fidélisation et la différenciation. La digitalisation parce que le magasin doit suivre les aspirations et les comportements du consommateur, et que dans une logique de rationalisation des assortiments, elle nous permet de proposer l'offre importante que réclame le consommateur. Cela passe, notamment, par l'installation des bornes au sein des points de vente, le développement du « click & collect » et l'utilisation de l'application Yoobic.
La fidélisation parce que nous devons donner à des consommateurs de plus en plus zappeurs l'envie prioritaire de venir chez King Jouet. C'est dans cette optique que nous avons créé un pôle exclusivement dédié aux clients et que nous allons mettre en place tout une série d'outils idoines : CRM, avis clients, formation des équipes, etc.
La différenciation, enfin, parce que nous évoluons sur un marché ou tout le monde vend quasiment les mêmes produits, au même prix et avec les mêmes outils promotionnels. Par conséquent, plutôt que de nous distinguer par l'offre, nous avons choisi la carte de l'humain. En effet, l'un des aspects positifs du digital, c'est qu'il replace plus que jamais le facteur humain au cœur du magasin. C'est la raison pour laquelle notre objectif est de nous positionner comme l'enseigne de jouet préférée des consommateurs ; la notion de préférence résultant de composantes multiples et non d'une seule comme le choix, le prix ou autre (Ndlr : voir encadré).
Les composantes de la préférence | |
Face aux menaces qui pèsent sur le commerce (baisse de la consommation, développement du e.commerce, accroissement de l'offre commerciale, perméabilité des marchés et risque de nouveaux entrants), la préférence se construit sur plusieurs composantes : le lien enseigne/client, l'offre, l'expérience d'achat et l'image prix. L'enjeu ? Satisfaire un consommateur plus complexe et surtout plus exigeant en ayant en ligne de mire cinq objectifs prioritaires : fluidifier le parcours client et garantir le « sans rupture », faciliter le choix d'un produit ou étendre le choix, faire vivre une expérience sensorielle, personnaliser la relation et socialiser l'acte d'achat. |